- Titre du livre: Le rêve du village des Ding
- Auteur: YAN Lianke 阎连科
- Traducteur: Claude PAYEN
- Éditeur: Picquier
- 400 pages – Format: poche – ISBN: 9782809700855
- Parution: février 2009
Description du livre
Sous les rayons du soleil couchant, la plaine du Henan est rouge, rouge comme le sang. Ce sang que vendent les habitants du Village des Ding pour connaître une vie meilleure. Mais, quelques années plus tard, atteints de la “fièvre”, ils se flétrissent et quittent ce monde, emportés par le vent d’automne comme des feuilles mortes. Seul le fils du vieux Ding, qui a bâti sa fortune sur la collecte du sang, continue de s’enrichir en vendant des cercueils et en organisant des “mariages dans l’au-delà” pour unir ceux que la mort a séparés.
Le Rêve du Village des Ding est un roman bouleversant. Bouleversant par la tragédie qu’il raconte, bouleversant parce qu’il n’est que la fiction d’une réalité plus terrible encore. C’est l’histoire de centaines de milliers de paysans du Henan contaminés par le sida que l’auteur évoque dans ce roman d’une émotion poignante, traversé de rêves et de prémonitions. “Colère et passion sont l’âme de mon travail”, dit Yan Lianke. Son livre est toujours interdit en Chine et l’auteur privé de paroles.
Mon opinion
Né à la fin des années 1950, YAN Lianke est originaire d’un village pauvre du Henan. A sa majorité, il s’engage dans l’Armée populaire de libération (APL), dont il a été l’écrivain officiel. Il est d’ailleurs diplômé de la section littérature de l’Académie des Beaux-Arts de l’Armée populaire de libération.
Son intérêt pour l’écriture est cependant bien plus ancien, car il écrivait déjà de petits romans lorsqu’il était enfant. Mais les romans qu’il écrit en parallèle de son métier de militaire ne plaisent pas trop au gouvernement.
En 1994, après la publication de La Chute du soleil en été, qui relate l’histoire d’un soldat qui réfléchit par lui-même, il est obligé de rédiger de nombreuses autocritiques pour satisfaire le département de la propagande du comité central du Parti communiste. Cela ne l’arrête pas.
Il continue à critiquer, dans ses écrits, le communisme et les dirigeants et de mettre en lumière la folie des hommes. Il finit privé de passeport et de la possibilité de quitter ce pays qu’il aime néanmoins.
Ses livres, interdits en Chine, sont publiés à l’étranger, et cela lui suffit, car il considère que le plus important est de ne jamais s’autocensurer lui-même.
Finalement, en 2004, un énième livre, intitulé Plaisir, attire le courroux de département de propagande qui ne se satisfait plus des autocritiques : YAN Lianke est alors limogé.
Il a reçu plusieurs récompenses pour ses romans, dont le prix Franz Kafka, décerné aux auteurs dont l’œuvre en dénote l’influence, en 2014.
Le rêve du village des Ding lui aura pris presque dix ans. En 1996, des rumeurs commencent à émaner de l’une des provinces les plus pauvres et délaissées de Chine : dans les « village du sang », les habitants meurent par centaines d’une maladie que l’on ne nomme pas. Ceux qui ont vendu leur sang pour s’enrichir sont frappés par la fièvre, leur famille et leurs voisins les suivants.
YAN Lianke décide de se rendre sur place, afin de vérifier ces rumeurs par lui-même, et ce qu’il y voit le hantera jusqu’à la fin de ses jours : la mort partout, le nombre insuffisant de cercueil, des champs à l’abandon, des médecins impuissants et sans moyens, et des fonctionnaires indifférents. Il y passe quelques temps, découvrant l’histoire de ces paysans, accompagne même un enfant jusqu’à l’hôpital ; ce dernier ne survivra pas.
C’est alors que YAN Lianke décide d’écrire un livre sur le sang.
Son livre a d’abord été publié à Hong Kong en 2006. Sans surprise, il n’aura pas passé la censure chinoise.
Voilà une lecture qui m’a vraiment touchée ! C’est vrai qu’au début, j’avais quelques difficultés à m’immerger dans le récit, mais très vite, le narrateur nous ouvre la porte de toutes ces vies brisées par la vente du sang, qui a conduit des années plus tard à des centaines de milliers de cas de sida.
L’auteur, YAN Lianke, aborde le sujet avec brio, nous montrant tour à tour tous les comportements que l’être humain peut adopter lors des pires tragédies, en particulier lorsqu’il sait qu’il n’y aura pas d’échappatoire pour lui.
Il y a ceux qui aident, qui compatissent, qui gardent espoirs, et puis il y a ceux qui trichent, mentent et pillent. Ceux qui sont prêts à en emmener d’autres dans la tombe, peu importe qu’il s’agisse d’un proche ou d’un voisin. Il y a ceux qui trouvent toujours une occasion de profiter de la situation pour gagner du pouvoir et s’enrichir. Il y a ceux qui sont totalement dépourvus de compassion, ne pensant qu’à se sauver eux-mêmes. Et puis en face, il y a l’espoir. La compassion. La volonté de s’entraider. Le vieux Ding, gardien de l’école et aussi professeur, en est un parfait exemple.
Si ce roman est une fiction, il relate cependant une véritable situation. La vente de sang dans le Henan a conduit à un véritable fléau, auquel bien des paysans ont succombé. Après tout, YAN Lianke a dû viser juste pour que son livre soit aujourd’hui interdit en Chine.
Et au-delà de la maladie, il aborde également le sujet de l’après. De ce qu’il se passe après le décès, même parfois encore aujourd’hui : la vente des cercueils, et surtout l’organisation de « mariages dans l’au-delà », afin que personne ne se retrouve seul dans la mort. De véritables business que certains n’ont pas laisser filer.
Un roman bouleversant que je recommande sans hésitation !
Emprunt septembre 2021 – Fiche rédigé le 14/09/2021
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