Les bains publics japonais

Comme beaucoup d’occidentaux, j’ai d’abord découvert les bains japonais à travers les mangas et les animes; je ne connaissais alors que le terme de onsen. En 2017, j’ai eu l’occasion de réaliser mon rêve d’enfant et de me rendre au Japon pour la première fois. Un peu intimidée mais néanmoins curieuse, j’ai fini par tester les bains publics lors de mon passage à Hiroshima.

Sans surprise, j’ai d’abord été gênée à l’idée de retirer tous mes vêtements en public. Le fait d’être accompagnée de ma meilleure amie, avec qui je voyageais alors, n’aidait certainement pas.

Mais passé les premières minutes, j’ai fini par me détendre, et évoluer avec plus de naturel et de spontanéité, ce qui m’a permis de profiter de l’expérience.

Plusieurs femmes japonaises, d’une quarantaine ou cinquantaine d’années, étaient présentes, mais à aucun moment je n’ai senti jugement ou regard scrutateur. Lors de notre passage dans le sauna, très petit, deux femmes ont un peu échangé avec nous, soulignant le nez de mon amie (littéralement, en le touchant !) et nous ont offert leur sac de glaçons pour ne pas prendre un coup de chaud.

Dans l’ensemble, ça a été une expérience à la fois étonnante et très agréable. Tout le monde s’est avéré extrêmement bienveillant envers nous.

>> Dobashi Onsen (土橋温泉): 3-4 Dohashicho, Naka Ward, Hiroshima, 730-0854, Japan <<

Cela a été si concluant que le jour suivant, nous avons retenté l’expérience lors de notre excursion sur l’île de Miyajima, dans un hôtel cette fois. La prestation, bien plus chère, s’est cependant avérée très agréable, et a même donné lieu à une situation un peu cocasse.

Pour faire court, une partie des bains était un peu isolée, en hauteur, pour profiter du panorama sur la baie de Miyajima. En arrivant devant l’entrée, nous avons constaté la présence d’un vieil homme dans les douches des femmes. Sur le coup, nous avons eu un moment de doute: “Est-ce qu’on était bien dans la partie réservée aux femmes ? Se pouvait-il que la personne soit une femme ?” (ce qui était difficile à déterminer de dos)

Au final, nous avons pris notre courage à deux mains, et avons interpellé la personne, en essayant de lui expliquer dans un japonais rudimentaire, qu’il s’agissait du bain des femmes. Le vieil homme était très gêné, et est sorti avec tant de précipitation, qu’il en a oublié une partie de ses affaires.

Au final, je suis bien contente d’avoir insisté, car sinon, nous aurions manqué la magnifique vue, et le confort d’un bain un peu plus traditionnel que ne l’était le reste du complexe.

>> Livemax Resort Aki Miyajima (リブマックスリゾート安芸宮島) : Uonotanacho-634 Miyajimacho, Hatsukaichi, Hiroshima 739-0588, Japon <<

Notre voyage touchait cependant à sa fin et nous n’avons pas pu en profiter davantage.

Récemment cependant, ma meilleure amie a commencé à me parler d’un livre qu’elle avait particulièrement apprécié, et qu’elle a fini par m’envoyer pour mon anniversaire : il s’agit du livre de Stéphanie Crohin, qui porte sur les sentō, les bains publics japonais. Et la lecture de ce livre a encore renforcé mon envie d’expérimenter davantage lors de mes prochains voyage.

>> Vous pouvez retrouver ici mon avis sur le livre de Stéphanie Crohin, Sentō, l’art des bains japonais, ou vous rendre directement sur le site de l’éditeur pour l’acheter. <<

Mais d’abord, qu’est ce que c’est exactement ?

Pour commencer, j’aimerais vous dire que je ne suis pas une spécialiste du sujet. Tout ce que je connais, je l’ai appris à travers différentes lectures, et de mes propres expériences lors de mon voyage sur place. Il est donc possible que je me montre parfois un peu approximative, voire même que je me trompe. Si c’est le cas, n’hésitez pas à me pointer ces erreurs ou approximations !

Les sentō sont les bains publics japonais, situés un peu partout dans les grandes villes. Leur prix est généralement assez modique et est fixé par les préfectures.

Les onsens, dont la notoriété n’est plus à faire, sont des sources thermales naturelles. L’eau utilisée provient de sources volcaniques ou géothermiques, et contient généralement nombres de propriétés médicinales réputées pour leurs bienfaits. Pour disposer de l’appellation de onsen, il faut répondre à un certain nombre de critères, dont la chaleur de l’eau qui doit dépasser les 25°C. Ils sont souvent situés un peu à l’écart des grandes villes, dans des cadres idylliques.

Certains sentō sont en réalité des onsens, mais cela n’est pas toujours connu des propriétaires, car les tests sont extrêmement coûteux et peu de personnes peuvent se permettent d’entamer la procédure. Mais cela signifie donc que bon nombre de sentō ont autant de bienfaits que les onsens !

Par ailleurs, les sentō ne puisent pas systématiquement l’eau de la ville pour remplir leurs bains. En effet, il est courant qu’ils aillent chercher de l’eau plus profondément, jusqu’à 750 mètres de profondeur, pour aller récupérer de l’eau plus ou moins chaudes et chargée de différents éléments et minéraux.

A noter également que, malgré l’appelation de “bains publics”, ils appartiennent en réalité à des familles, qui se les transmettent bien souvent de générations en générations.

Ils sont souvent décorés de peintures murales, appelées penki-e ペンキー絵, et qui représentent traditionnellement un cours d’eau. Nombre de ces peintures représentent un site local. On retrouve donc, par exemple, beaucoup le mont Fuji dans les bains situés dans le Kantō. Il n’y a aujourd’hui plus que trois maîtres spécialisés dans cet art au Japon.

On y trouve également des mosaïques sur le sol et les murs, représentant bien souvent des plantes, des paysages ou des animaux.

Malgré la beauté des lieux, il est assez rare de pouvoir les photographier (avec raison d’ailleurs, puisqu’il s’agit de bains !). Si vous voulez admirer des clichés, je vous recommande le compte Instagram de Stéphanie Crohin dont le titre d’ambassadrice des sentō (sentō taishi) lui permet de bénéficier d’autorisations spéciales pour photographier ces lieux.

Extraits du compte de Stéphanie Crohin (@_stephaniemelanie_)

Comment se comporter dans un bain japonais

Il faut savoir qu’il y a une étiquette très stricte à suivre pour utiliser les bains japonais. Mais si vous vous montrez respectueux, vous serez bien accueillis la plupart du temps.

Se pose d’abord la problématique des tatouages, qui dissuade bien souvent les touristes de tenter l’expérience. Contrairement aux onsens, les sentō sont des bains publics, ce qui signifie qu’ils accueillent tout le monde. Vous pouvez donc vous y rendre, même si vous portez un tatouage.

L’entrée

Vous pouvez reconnaître un sentō, grâce au caractère ゆ ou au symbole d’un bain qui fume, dessiné sur la façade ou sur les noren, des tissus accrochés à l’encadrement de la porte.

Symbole des bains au Japon

Une fois l’entrée passée, on doit retirer ses chaussures et les déposer dans les petits casiers mis à disposition. On peut ensuite entrer dans les vestiaires.

Attention à ne pas se tromper de côté ! En effet, les vestiaires, tout comme les bains, ne sont pas mixtes. On distingue les côtés homme et femme, grâce aux noren accrochés aux entrées : bleu avec le kanji 男 (otoko) pour les hommes et rouges avec le kanji 女 (onna) pour les femmes.

Le vestiaire

Le vestiaire est généralement surplombé du guichet d’accueil qui donne sur les deux parties. Cela permet à la personne chargée de l’accueil (généralement une femme), de surveiller les éventuels vols ou accidents qui pourraient survenir dans les bains.

Une fois le droit d’entrée payé, on peut alors se déshabiller, en déposant ses affaires dans les casiers (ou les paniers selon les endroits) mis à disposition. Il faut se déshabiller intégralement, ce qui n’est pas forcément évident pour les personnes non habituées. Mais il ne faut pas trop s’inquiéter car c’est une pratique courante au Japon, et il n’y a aucune forme de jugement particulier.

Armés de ses produits d’hygiène et de sa serviette, on peut alors pénétrer dans la salle d’eau. Si vous n’avez pas apporté le nécessaire, pas de panique : il est toujours possible de s’en procurer à l’accueil pour une somme modique (achat, location ou prêt selon les cas).

La salle d’eau

Avant toute chose, il est primordial de se laver. Il vous faut prendre un tabouret et un sceau (parfois déjà disposés devant les douches), et vous installer devant un pommeau de douche libre.

Livemax Resort Aki Miyajima

Il vous faudra vous laver soigneusement, et même vous épiler si nécessaire. Ce n’est qu’une fois bien propre et rincé que vous pourrez pénétrer dans les différents bains. Si vous utilisez le sauna (dont le prix peut être, ou non, inclus dans le tarif d’entrée), il vous faudra vous rincer.

De façon générale, rincez vous aux douches à chaque fois que vous changez d’espace, cela évitera de choquer les personnes déjà présentes.

D’ailleurs, puisque l’on parle des autres personnes présentes: n’hésitez pas à les gratifier d’un konnichiwa ou un konbawa lorsque vous entrez dans le vestiaire ou la salle de bains, et de leur dire au revoir (sayonara) en partant. Même si vous ne parlez pas vraiment japonais, cela fera plaisir aux personnes présentes et elles pourraient bien tenter de vous faire la conversation.

Il est également important de respecter la quiétude des lieux. En effet, de nombreuses personnes viennent dans les bains publics pour se détendre. Il est possible d’échanger avec son voisin, mais à voix basse, afin de ne pas indisposer les autres utilisateurs.

Concernant la serviette, elle ne doit pas entrer dans le bain. Soit vous la laissez près de votre poste de douche, soit vous pouvez la déposer sur votre tête pour la garder avec vous. Vous pourrez vous en servir lors de vos déplacements pour vous dissimuler si vous êtes pudiques.

Lorsque vous quittez la salle d’eau, pensez à bien vous essuyer avec votre serviette avant d’entrer dans le vestiaire, afin d’éviter de mettre de l’eau partout.

Et niveau popularité, ça donne quoi ?

Pendant longtemps, les bains publics étaient le seul endroit où la population pouvait se laver, les logements ne disposant généralement pas de salles de bains. Cela en faisait donc des lieux très fréquentés, et essentiels pour la communauté.

Mais ces dernières décennies , les sentō ont perdu peu à peu leur popularité car de plus en plus de personnes disposent à présent de salle d’eau à leur domicile. Pour vous donner une idée, il y avait 2700 sentō à Tōkyō au milieu de l’ère Shōwa (1926-1989), et il n’en reste plus que 530 aujourd’hui.

Cependant, certaines personnes continuent à fréquenter assidûment les bains publics pour plusieurs raisons, parmi lesquelles on retrouve essentiellement les suivantes :

Les logements japonais sont souvent exigus, et les salles de bain sont donc généralement assez petites. Les bains publics permettent de se laver dans un espace plus grand, et de bénéficier de différents bains assez grands pour s’y plonger entièrement.

Exemples de salles de bain dans des logements à Tokyo et Kyoto

Une autre raison réside justement dans la variété de bains disponibles : il est possible de se baigner dans des bains dont la température varie de froide à très chaude, ils peuvent être agrémentés de nano-bulles, d’herbes aromatiques, etc. qui sont dotés de multiples vertus pour la santé et la beauté.

Il est également possible d’utiliser un sauna, dont le prix peut être ou non inclus dans la prestation de base.

Les bains ont, par ailleurs, une dimension sociale très importante pour les Japonais. Les bains publics étant présents dans chaque quartier, il est commun pour les habitants de s’y retrouver afin d’échanger. Certaines personnes estiment même que le fait d’être nu permettrait d’être plus sincère envers les autres.

Pour moi, cela reste une expérience incontournable pour qui se rend au Japon, peu importe à quel point cela peut paraître un peu étrange ou gênant de prime abord pour un étranger. Donc si vous vous rendez au Japon, n’hésitez pas ! Je suis convaincue que vous ne serez pas déçus.

Publié par Meana

Passionnée par les pays d’Asie du Sud-Est et leur culture depuis plus de 15 ans, j’ai voyagé en Chine, Corée du Sud, Japon et Taïwan. J’ai même vécu un an à Pékin ! Je m’intéresse particulièrement à la portée historique des lieux et concepts, et aux habitudes de vie asiatiques.

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