Balade au temple de Confucius de Taipei

Corall vous indiquait dans son article sur le confucianisme en Asie que l’on pouvait trouver des temples dédiés à Confucius un peu partout en Asie du Sud-est. C’est par exemple le cas de Taïwan, où j’ai eu l’opportunité de visiter celui qui se trouve à Taipei.

Après une première tentative avortée en raison de la fermeture du temple le lundi, j’ai pu m’y rendre le jour suivant en début d’après-midi. Que ce soit en raison du jour ou de l’horaire, il y avait peu de monde, ce qui m’a permis de flâner paisiblement et de prendre toutes les photos que je voulais.

Le temple est assez grand, et est constitué de nombreux bâtiments, certains imbriqués les uns dans les autres, d’autres un peu plus isolés, l’ensemble entouré d’un mur d’enceinte assez haut qui séparait efficacement le temple du reste de la ville. Autant du point de vue de l’atmosphère que du bruit.

Plan issu du site Internet

J’ai trouvé la visite vraiment plaisante, en particulier la zone avec le bassin (que vous pouvez trouver au numéro 3 sur le plan du site). Ce bassin est nommé Pan Pond, il est en forme de croissant de lune, ce qui est très courant dans les maisons et temples traditionnels : selon les croyances, ce genre de bassins réduirait la chaleur en été et pourrait même prévenir les désastres !

Le Pan Pond est enjambé par un petit pont, et adossé au Mur de la plus grande connaissance, le Wanren Gongqiang. Ce dernier se retrouve dans tous les temples de Confucius, et tire son origine des Entretiens de Confucius, une compilation de discours de Confucius et de ses disciples ainsi que de discussions entre eux.

Les caractères 萬 wàn rèngōng qiáng sont inscrits sur la face extérieure du mur, tandis qu’une licorne chinoise est peinte sur la face intérieure. C’est ce que vous pouvez voir sur la photo ci-dessous. Selon les légendes, les licornes chinoises sont de gentilles créatures, et des messagers annonçant la naissance d’un fils talentueux.

Point historique

Les temples de Confucius sont des symboles concrets de la culturel confucéenne chinoise. Ils sont généralement inspirés du temple de Qu Fu, dans le Shandong, qui est le plus grand et le plus connus des temples de Confucius, et qui est installé sur le site originel de résidence de Confucius.

Sous la dynastie des Ming (1368-1644), puis sous celle des Qing (1644-1912), la plupart des villes chinoises ont fait construire leur propre temple dédié au célèbre penseur chinois. Ces temples étaient alors désignés sous le terme d’écoles confucéennes, et servaient comme centre pour les études confucéennes et l’éducation de façon générale.

Dans le cas de Taïwan, le premier temple dédié à Confucius est construit en 1666 dans la ville de Tainan (au sud de l’île) : il est nommé première académie de Taïwan. La construction d’un temple confucéen à Taipei intervient deux siècles plus tard, en 1879, pour être finalement achevée en 1884. Durant les années qui suivirent, une grande cérémonie était organisée chaque année.

Mais en 1895, après la défaite de la Chine face au Japon, Taïwan est cédée aux Japonais et devient une terre coloniale. Durant la phase de résistance des Taïwanais face aux troupes japonaises, le temple de Confucius fut endommagé, et de nombreuses tablettes mémorielles de Confucius et d’autres sages, furent détruites.

En 1907, les Japonais détruisent ce qu’il reste du temple, pour construire à la place le premier lycée pour filles de la ville. Ils ajoutèrent néanmoins un pavillon à l’intérieur de l’école, afin d’y installer les tablettes mémorielles restantes, et chaque année, à l’occasion de l’anniversaire de Confucius, le 27e jour du 8e mois du calendrier lunaire, les élèves et professeurs de l’école pouvaient s’y rendre afin d’honorer le penseur chinois.

Pour de nombreux membres de l’élite taïwanaise, cela n’était pas suffisant, et beaucoup souhaitaient faire reconstruire le temple de Confucius. En 1925, ils parviennent à rassembler suffisamment de supporters pour envisager cette reconstruction, et fondent le Taipei Confucius Temple Construction Preparation Office. Grâce aux généreuses donations de l’élite du pays, d’officiels et d’hommes d’affaire, ils parvinrent à réunir les fonds et les terres nécessaires.

Faute de trouver un architecte suffisamment expérimenté sur l’île, ils firent appel à un célèbre artisan du continent, Wang Yi-shun, qui était déjà venu quelques années plus tôt pour participer à la rénovation de plusieurs temples. On retrouve dans l’architecture du temple de Confucius de Taipei, la patte de l’artisan, au travers de l’utilisation de plusieurs caractéristiques typiques de l’architecture du sud du Fujian.

En plus de l’architecte Wang Yi-shu, ils firent également appel à un professionnel pour vérifier la géomancie du site. Il était en effet coutume, traditionnellement, de s’assurer que l’emplacement et l’orientation choisis pour un bâtiment permettent une circulation optimale du Qi dans l’environnement.

La construction commença finalement en 1927, pour s’achever trois ans plus tard. Le 27 août 1930, le temple était prêt pour célébrer l’anniversaire de Confucius, pour la première fois à Taipei en plus de trente ans.

Le temple n’était cependant pas encore complet, mais ils ne disposaient plus des fonds nécessaires pour continuer les travaux. En 1935, ils relancèrent donc une campagne de collecte de dons. Parce que l’architecte Wang Yi-shun était déjà retourné sur le continent, il fut décidé d’embaucher un artisan taiwanais.

Les travaux se finirent en 1939.

Malheureusement, le Japon entre en guerre deux ans plus tard, et les cérémonies traditionnelles chinoises sont dès lors interdites. Elles ne reprirent pas immédiatement à la fin de la guerre, mais en 1950 seulement.

Cette année-là devait être célébré l’anniversaire des 2500 ans de Confucius, et à cette occasion, une cérémonie spéciale fut organisée. Le président de la République de Chine, Chang Kai-shek, offrit même au temple une tablette en bois sur laquelle il avait personnellement gravé les mots « Education pour tous ».

Le temple dépendait alors aux contributeurs qui avaient permis sa construction, et en 1971, il fut remis au gouvernement car ils considéraient que respecter la voie de Confucius devait être une priorité importante pour la nation. Le gouvernement accepta cette donation, et en transféra l’autorité à la ville de Taipei.

De nos jours

Une cérémonie se tient donc chaque année, le 28 septembre, afin de célébrer l’anniversaire de Confucius. Au cours de cette cérémonie qui dure une heure, les participants sont vêtus de tenues traditionnelles, et suivent un cérémonial précis. Tambour, encens, chants et danse, tout a été formellement instauré par le Ministère de l’intérieur, après un travail de recherches minutieux de plusieurs spécialistes.

Bien qu’il ne soit pas indiqué sur le site Internet du temple que la cérémonie n’est pas ouverte au public, il semblerait n’y avoir qu’un nombre de place restreint, ainsi, seules les personnes invitées peuvent y assister.

En dehors des cérémonies annuelles, des cours sont encore dispensés à l’intérieur du temple, dans le Minglun Hall. Il est possible d’y suivre des leçons sur les classiques confucéens, la calligraphie, l’ancienne musique, ainsi que d’autres formes d’arts traditionnels.

Si je ne me trompe pas, c’est également à cet endroit qu’étaient projetés de petits films permettant d’expliquer le temple, son fonctionnement, ainsi que l’enseignement confucéen.

J’ai souvenir d’un petit film sous forme de dessin animé où deux enfants qui participent à la cérémonie annuelle et se retrouvaient projetés dans le passé pour suivre les enseignements avec un vieux sage. Plutôt amusant !

Informations pratiques

Adresse : No.275, Dalong St., Datong District, Taipei City 10369, Taiwan R.O.C.

Carte extraite de Google Maps

Horaires d’ouverture : du mardi au Dimanche de 8h30 à 21h00, fermeture hebdomadaire le lundi

L’entrée est gratuite, il est cependant possible de réserver des visites guidées et des audio guides en Chinois, Anglais, Coréen et Japonais.

Site Internet en anglais : https://www.tctcc.taipei/en-us/index.htm

Accessibilité : le site est aménagé pour les personnes à mobilité réduite, avec la présence de rampes, d’un ascenseur et de toilettes équipés. A noter également l’utilisation du braille sur les panneaux explicatifs et les boutons de l’ascenseur. Il y a également un parking, ainsi qu’une pièce dédiée à l’allaitement des bébés.

Date de la dernière visite : 13 novembre 2018

Publié par Meana

Passionnée par les pays d’Asie du Sud-Est et leur culture depuis plus de 15 ans, j’ai voyagé en Chine, Corée du Sud, Japon et Taïwan. J’ai même vécu un an à Pékin ! Je m’intéresse particulièrement à la portée historique des lieux et concepts, et aux habitudes de vie asiatiques.

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