- Titre du livre: Les fantômes se lèvent toujours à l’Est
- Auteur: Emmanuel Gallant
- Éditeur: Ex Æquo
- 280 pages – ISBN : 9791038803589
- Parution: 15 mai 2022
Résumé du livre
Imaginez que je supprime votre nom, puis votre prénom, de manière à vous soulager un peu de ce qui compose votre identité. Imaginez encore, si vous poursuivez cette lecture, que pour affiner cette déshumanisation je vous désigne par un numéro, disons le 338, et que je vous inocule par injection sous-cutanée une maladie amusante – une peste, le typhus, le tsutsugamushi – ou bien un poison quelconque comme la toxine de fugu.
Faisons tout cela, donc.
On noterait alors sur une feuille de suivi les évolutions de votre consomption, l’affaissement des organes, le déchirement des tissus, cet œil gauche qui tombe un peu. On documenterait votre propre mort pour définir la meilleure manière de la donner à d’autres.
Vous venez de lire, sommairement, quelques-unes des horreurs commises par l’armée impériale japonaise en Mandchourie occupée (1932-1945) sur les populations locales, chinoises ou coréennes. Des crimes impunis, encore aujourd’hui.
Yuèliàng était l’une de ces innombrables victimes de la sinistre Unité 731.
Revenue dans le monde des vivants par l’entremise de Martin Geist, le jeune homme qui fuit les morts, Yuèliàng prépare sa vengeance.
De Berlin à la Sibérie, un voyage vers l’Est, une errance sentimentale et fantastique à la découverte de deux mondes qui entreront violemment en collision dans l’irréel.
Mon opinion

Les fantômes se lèvent toujours à l’Est est le premier roman de Emmanuel Gallant, un journaliste français passionné par les voyages et l’histoire asiatique.
Petit point amusant, au moins une partie du voyage fait par le personnage principal de son roman est issue de sa propre expérience : il a vécu à Berlin (où il a fait une partie de ses études supérieures) et s’est rendu à Pékin en train. Et comme son personnage, il a lui-même visité les couloirs vides de l’Unité 731…
Les fantômes se lèvent toujours à l’Est fait partie de la collection Atlantéïs, qui regroupe les romans fantastiques, de science-fiction, de fantasy, etc. des éditions Ex Æquo. Cette maison d’éditions française a été fondée en 2009 et compte aujourd’hui plus de 480 titres au catalogue, répartis dans une dizaine de collections.
C’est d’abord son titre qui m’a interpellée, puis son résumé. Si les exactions de l’unité 731 sont relativement méconnues, j’en avais déjà entendu un peu parler, à travers les livres d’histoire de la Chine, ou encore l’excellente nouvelle de Ken Liu, L’homme qui mit fin à l’Histoire (Éditions du Bélial, 2011).
Retrouvez notre critique de L’homme qui mit fin à l’Histoire ici
Pour le contexte, l’unité 731 est une unité militaire de recherche bactériologique de l’Armée impériale japonaise, créée dans les années 1930. Installée au Mandchoukouo (cet état fantoche au nord de la Chine qui n’a existé que de 1932 à 1945), elle effectuait toutes sortes d’expérimentations sur des humains, comme des vivisections sans anesthésie ou des recherches sur diverses maladies comme la peste, le typhus et le choléra, en vue de les utiliser comme armes bactériologiques. Cette unité a été reconnue responsable de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, mais reste néanmoins peu mentionnée encore aujourd’hui.
Pour en revenir au roman, Les fantômes se lèvent toujours à l’Est ne correspond pas tout à fait à l’idée que je m’étais faite en lisant le résumé. Je m’attendais à ce que le récit tourne presque intégralement autour de l’unité et de ses victimes, mais ça n’était pas le cas (cela pose le décor de base, et on y revient tout au long du roman, mais ce n’est pas l’élément central).
Pour être franche, j’ai eu quelques difficultés à me plonger dans le récit. Les premiers chapitres relatant la vie de Martin ne m’ont pas passionnée, loin s’en faut, et il m’a été difficile de m’attacher à ce personnage un tantinet égocentrique et qui se victimise parfois un peu trop. J’étais bien plus intéressée par ce qui arrivait à Yuèliàng (plus familièrement nommée Lune dans le récit), aux mains de l’unité 731. Mais si, à mon sens, il aurait été possible de réduire la part du récit octroyée à Martin sans que cela nuise au reste de l’histoire, il est malgré tout devenu plus intéressant au fil des pages.
En plus d’en apprendre plus au lecteur sur une facette assez sombre de l’histoire japonaise, ce roman nous fait voyager : France, Allemagne, Russie, Chine et Japon. L’occasion de découvrir ou redécouvrir la culture et les lieux touristiques de ces pays. C’est un aspect du livre auquel je ne m’attendais pas et qui m’a agréablement surprise !
Sans entrer dans les détails pour éviter les spoilers, la fin m’a surprise et me laisse un peu sur ma faim. J’ai toujours eu du mal avec les fins ouvertes, qui laissent bien souvent des questions en suspens. Mais peut-être que certaines réponses sont dissimulées dans le récit et que je les ai manquées. Il me faudra le relire pour le savoir !
Quoi qu’il en soit, je dirais que si, de prime abord, j’étais un peu déçue du récit qui ne correspondait pas tout à fait à mes attentes, j’ai fini par me laisser entraîner dans l’histoire. Et la lecture s’est finalement avérée très plaisante, malgré les sujets difficiles qui sont abordés.
Fiction à la fois historique et fantastique, Les fantômes se lèvent toujours à l’Est est une très bonne découverte. Elle m’a prouvé qu’un résumé ne peut jamais être un reflet parfait de ce que réserve un roman, et qu’il serait dommage de se fier à une première impression mitigée, au risque de passer à côté d’un excellent ouvrage.
Je tiens à remercier les éditions Ex Æquo pour leur confiance.
Service presse – Critique rédigée le 11/06/2023